Comment agir pour protéger la biodiversité à travers notre alimentation ?
Manger, c’est un acte quotidien… mais aussi un acte écologique, social, politique.
Notre alimentation façonne les paysages, les écosystèmes, les conditions de vie des êtres vivants.
Bonne nouvelle : il existe des milliers de manières d’agir, à toutes les échelles, pour réconcilier nos assiettes avec le vivant.
Ce guide propose des pistes concrètes pour transformer notre lien à l’alimentation et contribuer, pas à pas, à la protection de la biodiversité.
I- De la prise de conscience à l’action
A. L’empreinte écologique de notre alimentation
Dans un précédent article, nous avons analysé l'impact de notre alimentation sur l’ensemble de la biodiversité, de l'environnement à notre propre microbiote intestinal :
Alimentation et Biodiversité : l'impact caché de nos assiettes
En dehors des impacts fortement liés à la biodiversité déjà cités dans ce précédent article notre alimentation et l’ensemble des processus de production ont également de nombreux autres impacts sur l'environnement et sur la sécurité alimentaire mondiale (FEVE, 2025) : raréfaction des ressources hydriques, érosion des sols, perturbation des cycles de l'azote et du phosphore, déchets ménagers...
En croisant les pressions exercées par l’agriculture sur l’eau, les sols, le climat et la biodiversité, on constate qu’elle joue un rôle central dans la transgression de plusieurs limites planétaires (seuils à ne pas franchir pour que la Terre reste habitable et stable).

Dans un monde où la majorité des décisions alimentaires sont dictées par l’habitude, la publicité ou la facilité, s’informer et comprendre ces enjeux représente déjà une avancée majeure. Cette connaissance permet non seulement d’ajuster ses choix en toute conscience, mais aussi de questionner les modèles en place et d’exiger des pratiques plus durables de la part des acteurs du système alimentaire.
B. Agir à son échelle, un impact bien plus large qu’on ne le croit
Face aux crises environnementales, il est facile de se sentir impuissant. Comment nos choix alimentaires pourraient-ils peser face à un système agro-industriel mondialisé ? Pourtant, chaque transformation collective commence par des actions individuelles.
Plusieurs freins psychologiques entravent le passage à l’action :
L’illusion de l’insignifiance : croire que nos efforts sont trop petits.
Le poids des habitudes et du confort : l’industrie agroalimentaire nous pousse à consommer sans questionner l’impact de nos choix.
La pression sociale : nos choix alimentaires sont influencés par notre entourage, rendant difficile la transition vers des pratiques plus responsables.
L’éco-anxiété : face à l’ampleur du problème, certains se sentent paralysés au lieu de voir l’action comme une manière de reprendre du pouvoir.
(Gifford, R.,2011)
Pourquoi nos choix comptent réellement ?
Nos décisions ont un impact direct sur l’offre alimentaire et les politiques publiques :



Nos choix ne sont pas des sacrifices, mais des outils de transformation puissants. Agir, c’est déjà influencer l’avenir.
C. Développer son esprit critique pour mieux choisir
S’informer ne se résume pas à accumuler des données, mais à apprendre à les analyser avec discernement. Un premier réflexe essentiel : toujours questionner l’origine d’une information.
Qui la diffuse ? Un organisme indépendant ou un acteur ayant un intérêt économique ?
Quels sont ses objectifs ? Informer, influencer, vendre ?
Qui le finance ? Un label peut sembler rassurant, mais est-il réellement indépendant ou porté par des industriels ?
Les outils d’aide à la consommation (labels, applications, classements) peuvent être utiles, mais ne remplacent pas une vraie compréhension des enjeux. Avoir un regard critique, c’est croiser les sources, accepter la nuance et ne pas déléguer ses choix à des algorithmes ou des tendances.
Finalement, être un consommateur éclairé, c’est cultiver son libre arbitre et reprendre du pouvoir sur ses décisions.
II- Les actions individuelles : repenser notre alimentation au quotidien
A. Limiter le gaspillage alimentaire
Au niveau mondial, on estime qu’environ 1/3 de la nourriture produite est gaspillée.
En France, le gaspillage alimentaire représente 9,9 millions de tonnes, dont plus de 40 % attribués aux ménages français en 2022 (MAS, 2023).
Moins gaspiller = moins consommer = réduire la pression sur la biodiversité
Acheter consciemment : acheter uniquement ce dont on a besoin et éviter les promotions incitant à la surconsommation.
Mieux organiser et stocker ses courses : respecter les règles de conservation des aliments et mettre devant ceux à consommer en priorité.
Valoriser les restes : cuisiner les surplus, congeler les aliments en trop et apprendre à accommoder les épluchures et fanes.
Faire la distinction entre DLC et DDM : une Date de Durabilité Minimale (DDM) signifie que le produit reste consommable après la date indiquée, contrairement à la Date Limite de Consommation (DLC).

Favoriser l’achat en vrac : permet de limiter les emballages inutiles et le gaspillage généré par la surproduction et la mauvaise gestion des stocks du distributeur.
B. Opter pour une alimentation plus végétale
La production de viande et de produits d'origine animale mobilise d’énormes ressources naturelles et contribue fortement à la perte de biodiversité.

Aujourd’hui, les Français consomment trop de protéines (toutes origines confondues) et surtout plus de protéines animales que nécessaire :

Il est donc largement possible, sans devenir végétarien, d’adopter une alimentation plus végétale en privilégiant la qualité à la quantité :
Réduire sa consommation de viande et de produits d’origine animale : privilégier la qualité à la quantité.
Réhabiliter les légumineuses : pois chiches, lentilles, haricots secs… riches en protéines et bien plus écologiques que l’élevage intensif.
Diversifier les sources de protéines : intégrer plus de céréales complètes, les graines, noix et algues dans son alimentation.
Découvrir des alternatives culinaires : cuisiner végétal sans perte de plaisir gustatif.
C. Consommer mieux
Acheter des produits issus d’agriculture agroécologique : privilégier le bio, l’agriculture raisonnée et la permaculture.
L’agroécologie concerne les systèmes agricoles qui limitent au maximum l’usage d’intrants externes et cherchent à fonctionner en harmonie avec leur environnement, en le modifiant le moins possible.
Certains labels permettent de garantir de réels engagements environnementaux (et sociaux) de la part des producteurs. Cependant, il est parfois difficile de s’y retrouver parmi les labels flous ou auto-décernés par certains industriels.
Nous recommandons notamment l’initiative conjointe de Bioconsom’acteurs, Faire un monde équitable et ActionAid qui propose une analyse sérieuse du panel de labels en France :
Privilégier le local : permet de réduire l’empreinte carbone des aliments tout en connaissant la manière de produire du producteur.
⚠️ Attention à la croyance que le transport est le facteur principal de l’impact carbone de notre alimentation. En réalité, le mode de production est bien plus déterminant : le transport ne représente que 19 % des émissions de GES liées à l’alimentation, contre plus de 70 % pour le mode de production des aliments (Écotable, 2023).
Pour être imbattable sur l'empreinte carbone des aliments et son explication, foncez écouter Audrey Rimbaud de l'ADEME pour Brut :
Ingénieure, elle a classé les aliments qui ont le pire impact pour le climat
Choisir des produits de saison : éviter les fruits et légumes cultivés sous serre ou importés de loin.
Opter pour des aliments peu transformés : moins d’additifs, moins de suremballage, moins de consommation de ressources naturelles (et plus de bénéfices pour la santé).
III- Les actions collectives : transformer le système alimentaire
A. Le minimum : voter en conscience
Voter, le minimum indispensable
Le vote est l’un des leviers les plus puissants dont nous disposons pour influencer l’avenir du système alimentaire. C’est le minimum que chacun peut faire pour peser sur les décisions qui impactent l’environnement, l’agriculture et notre alimentation.
Se renseigner à minima pour voter en conscience
Voter, c’est bien. Mais pour que ce soit un acte réellement utile, il est important de se renseigner un minimum sur les programmes des candidats. Quels sont leurs engagements sur l’agriculture durable ou la protection de la biodiversité ? Même sans être expert·e en politique, prendre quelques minutes pour lire une synthèse ou écouter un débat peut permettre de voter en conscience.
B. L’engagement citoyen ne demande pas toujours beaucoup d’efforts
Tout le monde ne peut (ou ne veut) pas militer activement. Heureusement, certaines actions sont simples mais efficaces :
Signer une pétition pour soutenir une régulation sur les pesticides ou défendre l’agriculture bio.
Oui, signer une pétition, ça sert ! L'Affaire du Siècle est une pétition lancée en 2018 qui a réuni 2,3 millions de signatures pour dénoncer l'inaction climatique de l'État français. Elle a conduit à une condamnation historique de l'État en 2021 pour manquements à ses engagements climatiques.
A retrouver sur Vert Le media
Relayer une initiative citoyenne sur les réseaux sociaux pour sensibiliser son entourage.
Envoyer un message à un élu local par courrier ou en ligne pour lui demander de se positionner sur un sujet clé.
Apporter un soutien financier ponctuel ou régulier à des projets, associations ou initiatives locales qui œuvrent pour une agriculture durable (via des campagnes de dons ou du financement participatif).
Ces dons peuvent être déduits des impôts à hauteur de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable. Cela signifie qu’un don de 100 € ne coûte en réalité que 34 € après déduction fiscale (MEFSIN, 2025).
C. Soutenir les initiatives collectives locales
S’engager localement est une manière concrète d’avoir un impact visible :
Rejoindre une AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne)
Il s’agit d’un partenariat direct entre un groupe de citoyen·nes et un·e agriculteur·rice local·e. Les membres s’engagent à acheter à l’avance une part de la production (souvent sous forme de paniers hebdomadaires), ce qui garantit un revenu stable au producteur, limite les pertes alimentaires et renforce l’agriculture locale. Rejoindre une AMAP permet aussi de (re)découvrir les fruits et légumes de saison, d’apprendre à cuisiner des produits parfois oubliés, et de tisser un lien concret entre son alimentation et le territoire.
Participer à un jardin partagé : ces espaces de culture collectifs permettent à des habitant·es d’un même quartier de cultiver ensemble des fruits, légumes, herbes ou fleurs. Ils favorisent l'entraide, le partage de savoir-faire, le lien intergénérationnel et la sensibilisation à la saisonnalité. Jardiner collectivement, c’est aussi réinvestir l’espace public.
Soutenir une association de défense de l’agriculture paysanne : la Confédération paysanne, Terres de liens, réseau CIVAM, FADEAR, InPACT...
Organiser ou participer à un événement citoyen sur l’alimentation durable : participer à des projections-débats, organiser une disco-soupe, créer un jeu-débat, animer une fresque, participer à une visite de ferme agroécologique.
Promouvoir et contribuer à des actions menées dans les écoles, les quartiers ou les collectivités (repas bio et végétariens dans les cantines, compostage collectif, ateliers de sensibilisation, etc.)
Prendre part à des démarches de démocratie locale comme les budgets participatifs ou les conseils citoyens
Ces dynamiques locales créent du lien social tout en favorisant des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Elles sont aussi une excellente porte d’entrée vers un engagement plus profond. Le changement de système passe aussi par ces expérimentations locales qui peuvent ensuite être élargies à plus grande échelle.
D. Participer à des actions politiques plus structurées
Pour celles et ceux qui souhaitent aller plus loin :
Soutenir publiquement des candidats engagés pour une alimentation durable
Militer au sein d’un collectif, d’un syndicat ou d’un mouvement écologiste
Participer à des campagnes de mobilisation (tractage, actions de rue, campagnes de sensibilisation)
Prendre part à des manifestations pour défendre une agriculture respectueuse de l’environnement, dénoncer les politiques agricoles injustes ou soutenir des causes climatiques
Interpeller les élu·es ou institutions à travers des interventions publiques, tribunes
Faire pression pour l’adoption de lois plus protectrices : réglementation des pesticides, étiquetage environnemental obligatoire, encadrement de la publicité alimentaire, régulation des lobbies agro-industriels, etc.
Ce type d’engagement demande plus de temps et d’énergie, mais permet d’agir directement sur les structures du système alimentaire et d’influencer les règles du jeu à la source.
E. La transformation systémique
Enfin, à une échelle plus large, il est possible de :
Participer à des campagnes de plaidoyer portées par des ONG ou des collectifs citoyens
Contribuer à la recherche et à la diffusion de nouveaux modèles agricoles (agroécologie, permaculture, systèmes alimentaires territorialisés)
Travailler sur l’élaboration de politiques publiques en intégrant des collectifs de réflexion, des réseaux associatifs ou des instances de gouvernance participative
S’impliquer dans des mouvements internationaux pour faire pression sur les institutions européennes ou mondiales (PAC, accords de libre-échange, politiques climatiques, etc.)
Ces actions visent à articuler justice sociale, souveraineté alimentaire, respect des écosystèmes et santé publique. Elles s’inscrivent dans une vision de long terme et dans une transformation profonde du système.
🔎 Pour s’y retrouver parmi toutes ces possibilités, voici un schéma synthétique des différents leviers d’action collective, du plus accessible au plus engagé.
L’idée ? Montrer que chacun·e peut agir à son niveau, selon son temps, ses envies et ses ressources – sans pression, mais avec conscience.

Conclusion : un levier puissant pour l’avenir
Changer notre alimentation, ce n’est pas seulement faire des choix individuels : c’est s’inscrire dans un mouvement plus large, celui d’un monde qui remet le vivant au cœur de ses priorités.
Que l’on commence par cuisiner autrement, réduire sa consommation de viande, cultiver un bout de jardin, soutenir une ferme locale, rejoindre une AMAP, relayer une initiative citoyenne, dénoncer une proposition de loi injuste ou interpeller un élu… chaque geste compte, chaque action s’ajoute à celles des autres.
Ensemble, nous avons le pouvoir de transformer un système qui détruit, en un système qui régénère.
Et surtout, ne jamais sous-estimer la force de son propre pouvoir d’agir : c’est par des engagements concrets, ancrés dans nos quotidiens, que nous pouvons protéger la biodiversité — et nourrir un avenir plus juste.
Bibliographie
Livres & Publications
Balesdent, J., Dambrine, E., & Fardeau, J.-C. (2015). Les sols ont-ils de la mémoire ? 80 clés pour comprendre les sols. Éditions Quae.
Gifford, R. (2011). The dragons of inaction: Psychological barriers that limit climate change mitigation and adaptation. American Psychologist, 66(4), 290–302. https://doi.org/10.1037/a0023566
Vidéos
Solagro, Osez L’agroécologie (2023). Découvrez "Le Scénario Afterres2050 en Trois Actes" – Conférencede Sylvain Doublet, Responsable de l'activité Bioressources et Prospective à Solagro et co-scénariste d'Afterres2050 [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=koNNbLPaSts
Sites internets, articles
AIEA. Gestion de l’eau en agriculture. https://www.iaea.org/fr/themes/gestion-de-leau-en-agriculture.
All4Pack. (2023). La révolution des emballages alimentaires. https://actualites.all4pack.fr/revolution-emballages-alimentaires/
Bio Consom’acteurs. (2024). Ces freins qui nous empêchent d’agir. Bio Consom’acteurs. https://bioconsomacteurs.org/articles/societe/ces-freins-qui-nous-empechent-d-agir
Bon Pote. (2020). Climat : point de bascule et optimisme. https://bonpote.com/climat-point-de-bascule-et-optimisme/
CELAGRI. (2019). Combien de litres d’eau faut-il pour produire 1 kg de viande ? Centre de L’Agriculture. https://www.celagri.be/combien-de-litres-deau-faut-il-pour-produire-1kg-de-viande/
Écotable. (2023, 18 avril). Rencontre avec l’ADEME : transports et impact de l’alimentation. Écotable. https://ecotable.fr/blog/articles/rencontre-ademe-transport-impact-alimentation
FAO. (2020). L’élevage et l’utilisation des terres agricoles. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. https://www.fao.org/sustainability/success-stories/detail/fr/c/1298262/
FAO. (2020). The State of Food and Agriculture 2020. https://www.fao.org/interactive/state-of-food-agriculture/2020/fr/
FEVE. (2025). État des lieux de l’eau en France. https://www.feve.co/actualites/etat-des-lieux-eau-en-france
France Bleu. (2025). L'éco-lucidité : de la prise de conscience à l'action [Podcast]. Dans Un geste pour ma terre. Radio France. https://www.radiofrance.fr/francebleu/podcasts/un-geste-pour-ma-terre/l-eco-lucidite-de-la-prise-de-conscience-a-l-action-6347820
Greenpeace France. (2024). Déforestation. https://www.greenpeace.fr/deforestation/
Le Monde. (2024). En Amazonie, la déforestation à son plus bas niveau depuis neuf ans. https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/11/08/en-amazonie-la-deforestation-a-son-plus-bas-niveau-depuis-neuf-ans_6383358_3244.html
Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MAS). (2022). Comment réduire l’empreinte plastique des emballages alimentaires ? https://agriculture.gouv.fr/comment-reduire-lempreinte-plastique-des-emballages-alimentaires
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MAS). (2023). Gaspillage alimentaire : des nouvelles données pour la France. Gouvernement français. https://agriculture.gouv.fr/gaspillage-alimentaire-des-nouvelles-donnees-pour-la-france
Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN). (2025). Prélèvement à la source et réductions fiscales pour dons aux associations. Économie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/particuliers/prelevement-a-la-source-reductions-fiscales-dons-associations
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTC). (2023). Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore. In La France face aux neuf limites planétaires (édition numérique). Statistiques et Études. Disponible sur : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/
