Sous la lumière des étoiles : Les animaux qui règnent dans l’ombre
Le saviez vous ? La majorité des animaux sont nocturnes ! Environ 30% des vertébrés et 65% des invertébrés vivent la nuit, évoluant pour éviter les prédateurs diurnes, réduire la concurrence et exploiter des niches alimentaires uniques. Oiseaux, mammifères, amphibiens, insectes : la nuit est leur royaume !
Voici quelques espèces emblématiques qui s’adaptent parfaitement à l’obscurité :
Chez les oiseaux :
La rétine de la chouette est exclusivement tapissée de cellules en forme de bâtonnets, responsables de la vision en noir et blanc. Sa capacité à voir en très faible lumière est excellente, probablement 100 fois supérieure à la vision humaine. De plus, son acuité auditive exceptionnelle lui permet de localiser ses proies avec précision à grande distance : de son poste d’affût, la chouette peut repérer à « l’oreille » un rongeur jusqu’à 200m de distance !
Chez les insectes :
95% des papillons en France sont nocturnes. Les papillons de nuit se repèrent grâce à la lueur de la lune, qui est suffisamment éloignée pour être immobile dans le ciel et qui leur permet ainsi de s’orienter et de se déplacer. C’est la raison pour laquelle ils sont perturbés par les lumières artificielles qui ne leur permettent pas de voler de manière stable et rectiligne, et qui les poussent à rectifier inlassablement leur trajectoire en tournant autour.
Les lucioles ont la capacité de produire leur propre lumière grâce à la bioluminescence. Elles émettent des flashs de lumière très brefs : chaque espèce a un code unique de clignotements qui permet aux mâles et aux femelles de se reconnaître et de se synchroniser pour l'accouplement.
Chez les amphibiens :
Dans l'obscurité totale, la salamandre tachetée se fie à son odorat pour repérer et capturer ses proies même immobiles. Elle utilise pour se repérer des photorécepteurs et une sensibilité aux champs magnétiques terrestres.
Chez les mammifères :
Les chauves-souris sont dotées d’un sonar puissant qui leur permet d’émettre des sons très aigus (écholocation). Ces ondes heurtent tous les obstacles se trouvant autour d’elles puis reviennent à leurs oreilles, donnant à l'animal une image en trois dimensions de son environnement. La plupart n’ont donc ni besoin d’utiliser leurs yeux ni besoin de lumière pour se diriger dans l’obscurité et détecter les insectes dont elles se nourrissent.
Les renards sont capables de très bien voir dans l'obscurité, notamment grâce au tapetum lucidum, une couche réfléchissante situé au fond de l’œil qui améliore leur capacité à voir dans l'obscurité (comme les chats). Ceci, combiné à leur bonne ouïe et à leur odorat, en fait d’excellents prédateurs.
Quand la lumière éteint la vie : Les conséquences de la pollution lumineuse
L’Homme, animal diurne, prolonge son activité de jour sur la nuit avec la lumière artificielle. Initialement instauré pour des raisons de sécurité, l’éclairage nocturne est devenu un outil d’expression culturelle, un atout esthétique, et un levier marketing. Mais cette prolifération, soutenue par l’urbanisation et les avancées technologiques, a fait exploser le nombre de points lumineux, rendant la Voie Lactée invisible aux yeux de près d’un tiers de l’humanité (dont 60% d’Européens) !
Au-delà d’altérer notre contemplation de la voûte céleste, la pollution lumineuse affecte aussi la santé humaine perturbant notre horloge biologique et augmentant les risques de troubles physiques et mentaux. Mais qu’en est il des autres êtres vivants ?
L’éclairage massif est un bouleversement écologique !
- Phototactisme
De nombreux insectes, attirés par la lumière, tournent inlassablement autour des lampadaires, deviennent des proies faciles ou meurent d’épuisement et de surchauffe (phototactisme positif). À l’inverse, d’autres, comme les rongeurs, fuient la lumière, réduisant leurs habitats et compromettant leur survie (phototactisme négatif).
- Relations proies-prédateurs perturbées
Les prédateurs nocturnes se retrouvent souvent désavantagés, leurs déplacements devenant visibles. À l’inverse, d’autres exploitent l’abondance d’insectes attirés par la lumière, déséquilibrant les écosystèmes.
- Reproduction et migrations : les cycles naturels en danger
Sous l’effet de l’éclairage artificiel, les lucioles voient leurs signaux lumineux masqués, ce qui affecte leur reproduction. Par ailleurs, les tortues marines et oiseaux migrateurs, désorientés par l’horizon lumineux, voient leur trajectoire perturbée et s’épuisent ou périssent en s’égarant.
- Impact sur la flore
Les plantes exposées à la lumière artificielle subissent des floraisons précoces, les rendant vulnérables au gel. De plus, la baisse de pollinisation nocturne, causée par la réduction des insectes bloqués aux lampadaires, perturbe la reproduction des plantes et les écosystèmes qui en dépendent.
- Fragmentation des habitats
Les zones éclairées agissent comme des barrières infranchissables pour de nombreuses espèces. Les crapauds par exemple peuvent renoncer à traverser des routes éclairées, réduisant leur accès aux zones de reproduction.
Éclairer sans détruire : des solutions pour préserver la nuit et la biodiversité
Penser l’éclairage selon le temps et l’espace
Pourquoi éclairer toute la nuit si personne n’en profite ? Beaucoup de communes réduisent ou éteignent leur éclairage public entre minuit et 5 heures du matin. Cela économise de l’énergie, et redonne un peu de noirceur aux écosystèmes. De même, l’éclairage peut être concentré sur les espaces urbains essentiels : trottoirs, routes ou places publiques. Les zones naturelles sensibles, comme les bords de rivières ou les forêts, devraient rester dans l’obscurité.
Choisir des lumières adaptées
L’orientation des luminaires est cruciale. Un lampadaire qui éclaire directement le sol réduit le gaspillage de lumière vers le ciel et diminue son impact sur les insectes et oiseaux. Les ampoules à basse intensité et de couleur chaude (plutôt que les LED blanches ou bleutées) sont également moins perturbantes pour les espèces nocturnes.
La "Trame Noire" : une politique publique pour restaurer l’obscurité
Vous avez peut-être entendu parler de la Trame Verte et Bleue, ces corridors écologiques qui permettent aux animaux de circuler librement entre les habitats. La Trame Noire applique le même principe… mais à la lumière ! Elle vise à préserver des zones de vraie obscurité et à restaurer des corridors nocturnes pour les espèces sensibles à la lumière artificielle.
Dépasser les freins culturels…
Mettre en place la Trame Noire n’est pas toujours simple. L’idée que l’obscurité est synonyme de danger est profondément ancrée dans nos mentalités. Pourtant, une ville bien pensée peut être à la fois sécurisante et respectueuse de la nuit. Des alternatives existent : éclairages à détection de mouvement, intensité variable selon l’heure, ou même lampes basse puissance.
Organiser des événements comme des nuits d’observation du ciel étoilé, des conférences sur la faune nocturne ou des balades immersives sans lampe peut transformer notre perception de l’obscurité.
L’initiative inspirante "La Nuit est Belle" à Genève, où l’éclairage public est éteint une nuit par an pour redécouvrir le ciel, prouve qu’éteindre les lumières peut devenir une célébration collective.
La nature a besoin d’obscurité pour vivre. Et si, ensemble, nous rallumions les étoiles ?
RESSOURCES :
Pollution lumineuse et biodiversité par l'OFB
https://www.fne-aura.org/uploads/2019/04/livret_la_nature_la_nuit_frapna.pdf
https://www.lanuitestbelle.org/wp-content/uploads/2019/08/DP_Nuit.pdf
https://www.eure.gouv.fr/contenu/telechargement/11081/68653/file/pollution_lum_et_biodiv.pdf
https://blog-isige.minesparis.psl.eu/2020/10/23/quand-la-lumiere-tue-la-nuit-et-la-biodiversite/